« Dossier 64 – Les Enquêtes du Département V » de Christoffer Boe – La chronique qui range verticalement les dossiers !
Le Pitch : Alors que le Département V est sous tension avant le départ annoncé d’Assad, partenaire de l’inspecteur Carl Mørck, ces derniers se lancent dans une nouvelle enquête qui pourrait bien être leur dernière. Suite à la découverte de trois squelettes cachés derrière la tapisserie d’un vieil appartement, les deux enquêteurs et leur assistante Rose doivent exhumer une macabre affaire datant des années 1950 : sur la petite île de Sprogø, des femmes étaient internées et stérilisées de force sous la direction du docteur Curt Wad…
Mine de rien, nous voici déjà arrivés à la quatrième adaptation cinéma des enquêtes du Département V issues des best-sellers éponymes de l’auteur danois Jussi Adler Olsen. Dès le départ, 4 films étaient prévus et voilà nous y sommes ! L’équipe de production et les acteurs ont confirmé que ce serait le dernier (en tous cas avec cette équipe). On peut le regretter tant la qualité de ces adaptations était haute et n’a pas déçu.
DOSSIER 64 (nouvelle enquête du Département V après MISÉRICORDE, PROFANATION et DÉLIVRANCE adaptés précédemment) sort donc sous nos contrées en e-cinéma. Ultime baroud d’honneur de Carl Mørck et d’Assad, ce chapitre a pour mission de conclure la saga sur un bang. Pari réussi ?
Si vous n’avez pas vu les opus précédents pas de panique, chaque film a sa vie propre et peut se voir indépendamment (comme les romans dont ils sont issus d’ailleurs), vous pourrez donc déguster cette crème glacée venue du froid l’œil neuf et l’esprit libéré.
FOCUS SUR LA FRANCHISE
Si vous êtes fans des romans, il convient de vous apporter quelques précisions afin que vous ne vous sentiez pas désarçonnés en visionnant le(s) film(s).
Car évidemment qui dit adaptation de roman dit changements notables. Si, si, c’est comme ça. Tout d’abord, vous ne retrouverez pas ici l’esprit loufoque qui caractérise la série – même si quelques répliques ou attitudes font mouche –exit les problèmes conjugaux et sentimentaux de Carl Mørck qui faisait le sel du personnage dans les romans ; l’autre différence majeure réside dans le personnage d’Assad qui prend beaucoup plus de place dans les films, totalement transfiguré à la fois physiquement et psychologiquement (c’était le souhait de l’acteur qui l’incarne, Farès Farès, qui le trouvait trop cliché et le dit cash ; au grand dam de Jussi Adler Olsen qui conteste cette version du personnage).
Mais ne boudez pas votre plaisir pour autant. Les deux visions sont aussi intéressantes l’une que l’autre et le gros avantage pour vous est de vivre, à partir d’une même base scénaristique, deux expériences bien différentes entre le livre et le film mais tout aussi jouissives. Dites-vous qu’on vous a doublé votre ration de kiff !
Pour résumer, les enquêtes du département V version filmique sont plus de l’ordre de l’actionner immersif voire du buddy movie maniaco-dépressif, tandis que les versions romanesques se servent de l’alibi de l’enquête pour analyser, interroger et dénoncer les travers de la société danoise.
ET LE FILM DANS TOUT CA ?
Cet ultime volet clôt en beauté la tétralogie avec une puissance de feu inégalée jusqu’ici. Troisième réalisateur à se pencher sur le berceau du Département V, Christoffer Boe met la barre haute et soigne son métrage de la plus belle des manières. Le travail fait sur l’image est superbe, les plans sont à couper le souffle, la lumière est subtile et caressante. D’un simple point de vue plastique, le film est une réussite tant l’ambiance distillée installe le malaise et immerge le spectateur dans un univers glacial et âpre. La force d’un Christoffer Boe est de laisser quelques rayons de soleil opportuns éclaircir le tout.

© Zentropa / photo Henrik Ohsten
DOSSIER 64 s’impose comme un thriller haletant, tendu et de haute tenue. Le rythme trépidant et le sujet incroyablement nauséabond y sont pour beaucoup. L’intrigue est folle, incroyable (et pourtant rigoureusement exacte !) : Dans les années 50, de jeunes danoises jugées inaptes à procréer par les autorités danoises (prônant ainsi un eugénisme de classe et de race ) ont été enfermées et stérilisées de force dans un hôpital psychiatrique.
Comme nous sommes dans une enquête du Département V, cela aura des retentissements dans le présent et l’enquête mettra à jour des pratiques dignes de l’Allemagne Nazie.
C’est le côté plaisant des romans de Jussi Adler-Olsen (il n’est pas le premier à le faire, remember la série TV « Cold Case ») que l’on retrouve ici : fluctuer entre passé et présent pour démonter les travers d’une société danoise, pas si libertaire et progressiste que ça, qu’on nous vend comme modèle économique et sociale à longueur de journées dans les journaux (on nous avait déjà fait le coup dans les années 2000 avec l’Allemagne et on en est revenu !).

© Zentropa / photo Henrik Ohsten
Côté casting, Nikolaj Lie Kaas (vu aussi dans « Britannia » la série TV d’Amazon Premium) et Farès Farès (vu dans l’excellentissime série TV « Westworld ») campent avec habileté Carl Mørck et Assad. C’est bien évidemment la grande force du film tant leur complicité évidente suinte par tous les pores du métrage rendant le duo crédible et complémentaire. Il faut dire que les deux hommes sont potes à la ville comme à l’écran et cela se ressent. Le reste du casting est à l’avenant, et on saluera surtout la performance des deux acteurs (Anders Hove & Elliot Crosset Hove) qui incarnent à merveille sur les deux espaces temps cette pourriture d’obstétricien de l’horreur qu’est leur personnage de Curt Wad. Vous adorerez le détester ! Les fidèles s’enthousiasmeront de l’interprétation consistante de Rose par Johanne Louise Schmidt qui lui donne une force et une vigueur bienvenue.
Vous l’avez compris, DOSSIER 64 vaut plus que le détour. Il nous plonge dans les méandres de notre société et des individus qui la composent pour nous délivrer une vision certes empreinte de noirceur voire de nihilisme mais au service d’un thriller brillant et sans concession. Un film qui nourrit à la fois votre âme et vos tripes, c’est suffisamment rare pour ne pas en profiter. Dossier classé !
Sortie e-cinéma sur votre plateforme de VOD préférée : Le 7 mars 2019
Merci à bepolar, Wild Side et Mensch Agency pour l’invitation à la projection privée !
Copyright des photos : © Zentropa / photo Henrik Ohsten
Ah non, Assad, c’est du sacré et si tu le changes, Farès, c’est effarant ! Il avait déjà une sale tête, le Farès, dans « Rabbi Jacob » et il n’a pas changé 😆
Contente de te relire 😉
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