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« Burn Out » de Yann Gozlan – La Chronique surmenée ! Bonus : Interviews de François Civil et de Yann Gozlan.

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Burn Out de Yannick Gozlan

N.B. : ce film a été vu en avant-première grâce à Gaumont France qui a fourni les photos présentes dans cette chronique ainsi que les interviews de François Civil et de Yann Gozlan. Un grand merci à Réjane ! 

Pour vous mettre de suite dans l’ambiance du métrage, je vous invite à regarder la bande-annonce avant de lire la chronique.

Le Burn Out, un vrai sujet de société qui nous concerne tous, dirait Benoît Hamon. Pas faux Benoît, même les apprentis truands sont confrontés au problème. Mais quelle époque !

Adapté librement du roman de Jeremy Guez « Balancé dans les cordes », « Burn Out » se pose comme un actionner stressant qui ébouriffe la tignasse des spectateurs tendus sur leur siège.
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Balancé dans les Cordes de Jérémie Guez

C’est quoi actionner à la française ? En quoi diffère-t-il d’un actionner américain ? Tout simplement, c’est un film qui ne privilégie jamais le grand spectacle au détriment de l’émotion et des personnages. De ce côté-là, on est servi. Malgré des moyens qu’on devine limités, Yann Gozlan, le réalisateur, nous délivre un film généreux, percutant et profondément humain.

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Je vous mets le pitch ici pour comprendre de quoi on parle : Tête brûlée, accro aux sensations fortes, Tony ne vit que pour une seule chose : devenir pilote professionnel de moto superbike. Jusqu’au jour où il découvre que la mère de son fils est liée à la pègre manouche. Seule issue pour la sortir de cet engrenage : mettre ses talents au service des truands. Pilote de circuit le jour, go-faster la nuit, Tony est plongé dans une spirale infernale qui le mène au bord de la rupture…

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La première des qualités de ce film qui en compte beaucoup est le tempo, la maîtrise du temps et de l’action. Yann Gozlan nous fait vivre des moments de pure tension nous régalant d’un film au montage serré, à vif, sanguin. Les scènes à moto sont des fleurons du genre oscillant entre shoots d’adrénaline et tension exacerbée. 
Immersif et sensoriel, notamment grâce à une partition sonore qui joue constamment avec nos nerfs « Burn Out » fait partie de ces œuvres cinématographiques qui déroulent de l’émotion sur la durée du métrage faisant d’un simple visionnage d’un film une expérience organique et animale.
Le pari est gagné quand tu commences à te poser la question « mais qu’aurais-je fait à la place de Tony ? ». Question qu’on ne se pose jamais quand on regarde un blockbuster. Car « Burn Out » a cet aspect réaliste et incarné qui fait que tu ressens les scènes dans ta chair ; et en même temps, il est aérien dans sa vélocité, sa grâce et sa qualité visuelle.

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En parlant d’immersion, il faut souligner le sublime travail du chef op’ (lui-même motard et ça se sent). Les plans sont hyper créatifs, à base de caméra embarquée. Des plans inédits qui te scotchent à ton fauteuil, accélère ton palpitant. La caméra vibre, vrombit, colle au plus près des corps et des tôles.

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Le casting est très réussi, décidément pas de fausses notes ici, avec notamment un François Civil (la série TV « 10% pour cent ») époustouflant, proposant une palette variée entre fragilité, vulnérabilité et crédibilité. Pas un super-héros, juste un humain ordinaire confronté à l’extraordinaire. Entre spirale infernale et doigt dans l’engrenage, rien ne lui sera épargné. D’autant que les bad guys de l’histoire sont magistraux, entre la gueule cassée de Samuel Jouy et l’inquiétante nonchalance d’Olivier Rabourdin, le pauvre François a du fil à retordre. Avec une mention spéciale pour Narcisse Mame qui bouffe littéralement l’écran de ses apparitions trop rares.
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Olivier Rabourdin – François Civil

Ce film est ambitieux aussi par les thèmes traités : l’addiction – à la drogue, à l’argent, au pouvoir, à l’adrénaline – ; les cités et leurs banlieues qui ne demandent qu’à exploser ; l’amitié parfois trouble mais toujours présente au final et l’amour sans qui on ferait pas autant de sacrifices. Oui, ambitieux le Gozlan et pour notre plus grand plaisir ! Ne le boudons surtout pas !

 

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ENTRETIEN AVEC YANN GOZLAN

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le livre de Jérémie Guez dont s’inspire librement le film ?

Le roman racontait, dans un style sec et nerveux, la descente aux enfers d’un jeune homme au départ droit et intègre. J’étais fasciné par la spirale infernale dans laquelle plongeait le personnage, contraint d’exécuter des missions périlleuses pour le compte d’un dangereux caïd de cité. Autre élément qui m’avait séduit à la lecture : les flics étaient quasi absents du récit. Le protagoniste livré à lui-même évoluait au milieu des truands dans un univers en vase clos, fermé sur lui-même et obéissant à ses propres codes.

Vous avez néanmoins apporté plusieurs modifications à l’intrigue.

De nombreuses, même. Au fil des différentes versions du scénario, nous nous sommes profondément éloignés de l’intrigue du livre. Dans le roman, à l’origine, le personnage principal était boxeur ! C’était également un motard hors pair : la nuit, il enfourchait son cross et roulait à tombeau ouvert sur le périphérique, seul moyen pour lui de se libérer de toute la frustration et des tensions qu’il avait accumulées… Cette image m’a longtemps obsédé.

Tant de films – et non des moindres ! – avaient déjà dépeint le monde de la boxe, le ring et ses combats. En revanche, l’univers de la moto me semblait, à tort ou à raison, plus original. Sans compter qu’il offrait un potentiel incroyablement cinématographique : je l’associais immédiatement à la vitesse, au danger, à l’adrénaline… Autant d’éléments propices à la création d’un univers visuel fort et hypnotique.

À partir de là, quels choix avez-vous fait ?

Avec Guillaume Lemans, le scénariste, nous avons décidé d’abandonner la boxe au profit de la moto et de faire du personnage principal un pilote à part entière. Au cours de mes recherches, en me rendant à Magny- Cours et au circuit Carole, j’ai découvert la compétition de Superbike, une catégorie de course de motos dont le décorum m’a immédiatement fasciné et que j’ai voulu utiliser comme toile de fond. Contrairement à la moto GP (la catégorie reine, l’équivalent de la F1), le Superbike est peu médiatisé. La plupart des pilotes ne vivent pas de leur passion et ont un métier à côté. Techniquement, les motos engagées restent très proches des motos de série, à l’opposé de celles qu’on trouve en GP qui sont des prototypes. Ce qui n’empêche pas les compétiteurs de réaliser des pointes à 300 km/h sur circuit et de risquer leur vie.

Une fois la décision prise de faire du personnage principal un pilote, nous nous sommes fatalement éloignés de l’intrigue du livre pour inventer de nouvelles péripéties : les courses sur circuit, le personnage de Leyla, les go-fast… Nous avons également transformé les truands qui apparaissaient dans le roman en en faisant un clan de gitans. Au final, nous avons écrit une nouvelle histoire. Malgré tout, même s’il ne reste plus grand-chose de l’intrigue du livre, je crois que le film reste fidèle au ton du roman, à son style âpre et nerveux.

Comment avez-vous resserré le film autour d’un thriller où domine constamment un sentiment d’urgence ?

Au fil des réécritures, plus on se focalisait sur des éléments comme le danger, l’urgence et la nécessité d’un objectif clair, plus le film se transformait en un thriller à sensation. Dans cette perspective, je voulais éviter toute grandiloquence et complaisance au profit d’une âpreté et d’une sècheresse de style. Privilégier les ellipses. Couper dès qu’on s’installait trop dans une scène. Je voulais prendre de court le spectateur, le bousculer par certaines transitions. Le prendre par le col pour ne plus le lâcher. Exactement comme ce que vit Tony. Au montage, nous avons élagué et fait la chasse à tout ce qui nous semblait trop explicatif et bavard dans un souci d’efficacité narrative et pour renforcer l’aspect sensoriel du film.

Tony est un type intègre qui, par sens du devoir et par amour, se retrouve pris au piège d’une spirale de mensonges…

Ce qui m’intéressait, c’était d’observer cet homme écartelé et prisonnier de cette spirale infernale où il doit tout mener de front : assumer ses compétitions, son boulot alimentaire le jour et ses go-fast la nuit. Tony devient une âme perdue et un corps malmené.

À force de tirer sur la corde, le personnage perd pied avec la réalité…

Au fil de son quotidien harassant qui ressemble de plus en plus à une course effrénée sans fin, Tony tente de tenir coûte que coûte. Cet engrenage où il se retrouve enfermé l’emmène au bord de la rupture.

Il ne dort plus, prend des amphétamines pour tenir. À un moment, il décroche de la réalité, son corps est en train de dérailler. Pour rendre compte de l’état second du personnage au bord de la rupture, je devais m’éloigner du naturalisme et assumer une certaine stylisation à travers de purs effets de mise en scène. Formellement, mon ambition était d’offrir au spectateur une expérience immersive et sensorielle.

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En dehors de Tony, Moussa est sans doute le seul à faire preuve d’une certaine loyauté.

S’il l’aide à un moment donné, c’est parce que Tony lui donne la possibilité de prendre la place de son ennemi juré. Les intentions de Moussa sont plus ambiguës que ce qu’on peut penser : certes, il tient compte de leur amitié et de leur passé commun, mais il est aussi animé par des intérêts moins nobles.

Entre son ton paternaliste, son charisme et sa fausse douceur, le personnage de Miguel est proprement terrifiant.

Face à Tony, je voulais un antagoniste menaçant et ambigu. Ce gangster est à la fois un chef de bande implacable et un bon père de famille qui ne manquerait pour rien au monde les devoirs de ses enfants. J’aimais cette contradiction chez lui : malgré son mode de vie criminelle, il affirme avec aplomb et sincérité de grands principes moraux sur la famille ! Je voulais également que ce personnage soit imprévisible, capable de passer du chaud au froid brutalement. En outre, même si la nature du lien entre Miguel et Tony est avant tout coercitive, il n’est pas interdit de penser que le caïd finit par éprouver un certain respect à l’égard du pilote.

Vous campez un monde clanique fondé sur les guerres de territoires et les haines raciales…

Je tenais à ce qu’il y ait cette confrontation entre communautés, entre d’un côté le clan des blacks mené par Moussa et de l’autre, celui des gitans. Historiquement, ces derniers sont présents dans certaines cités depuis les années 70 et ont acquis une puissance que n’ont pas les nouveaux arrivants.

Vous opposez visuellement l’univers de la moto et celui des truands.

Tout à fait. D’un côté, l’univers sombre, nocturne et violent, celui des truands et du trafic de stupéfiant ; de l’autre, le monde lumineux et coloré, celui du Superbike, de la compétition sportive et des courses sur circuit. Malgré tout, ces deux univers a priori opposés ont finalement bien des points communs : dans les deux cas, concurrence et danger de mort prédominent.

Comment avez-vous fait en sorte de filmer les scènes de moto pour ainsi dire en caméra subjective ?

Dès l’écriture du scénario, je voulais raconter l’histoire du point de vue de Tony et faire partager au spectateur son stress, sa peur et son adrénaline. La mise en scène devait renforcer ce parti-pris. Dans cette perspective, le filmage des scènes de circuit et de go-fast relevait d’un véritable enjeu formel. J’en ai longuement discuté avec Christophe Offenstein avec qui j’ai travaillé et préparé ces séquences. L’utilisation de la caméra embarquée pour ces scènes de moto ainsi que le recours à des plans macros collés aux yeux du pilote, à l’intérieur de son casque, participent à l’immersion et à la subjectivité recherchées tout en favorisant une sensation d’enfermement et de claustrophobie.

Alors que la majorité des séquences du film a été tournée avec l’ALEXA, les scènes de circuit et de go-fast – qui avaient été au préalable storyboardées – ont été filmées avec une caméra RED plus légère, équipée d’un système d’accroche spécialement conçu par les machinos. Ce système fixé au châssis de la moto devait être assez résistant pour tenir la caméra alors que la bécane étant lancée à grande vitesse et éviter des vibrations trop grandes. Techniquement, c’était assez compliqué et les conditions de tournage n’aidant pas, certains plans tournés se sont révélés malheureusement inexploitables du fait d’une trop grande vibration.

Concernant ce dispositif de caméra embarquée, je me suis inspiré de certains cadrages du Cheval de fer, documentaire de Pierre-William Glenn réalisé en 1975, consacré au championnat du monde de vitesse moto. A l’époque, Glenn avait imaginé un système d’accroche pour des caméras 16mm.

Vous avez surtout tourné de nuit. Comment ce parti-pris s’est-il traduit en termes de contraintes techniques ?

Pour les nuits, nous voulions une lumière qui paraisse à la fois réaliste et stylisée. Il fallait ré-éclairer certains décors : nous ne pouvions pas nous contenter de la lumière existante. Néanmoins, grâce à l’incroyable sensibilité des caméras numériques et de leurs capteurs, beaucoup de scènes nocturnes ont été tournées avec peu de lumières additionnelles. Dès que c’était possible, nous avons utilisé comme sources principales les lumières « praticables » disponibles sur le décor, que nous avons filmées et intégrées dans le champ : les réverbères, les lampes, les devantures de magasins, les panneaux lumineux…

Cette méthode a été particulièrement profitable quand il a fallu tourner la course poursuite dans la cité en émeute au moment où Tony se retrouve pourchassé à pied. Je souhaitais filmer cette scène dans un long plan séquence en mouvement à 360° ; l’utilisation de projecteurs était impossible dans une telle configuration, ils auraient été fatalement dans le champ. Nous nous sommes donc appuyés sur l’éclairage des devantures et des panneaux lumineux de la galerie marchande. On a changé seulement les ampoules et les fluos existants pour des questions de puissance et de colorimétrie.

Quant aux scènes de go-fast, nous n’avions ni le temps, ni les moyens de ré-éclairer des tronçons d’autoroute. Même si nous avons privilégié les ponts et les tunnels lumineux, nous devions nous débrouiller avec les contraintes des autorisations qui nous imposaient de tourner sur des routes parfois très peu éclairées. L’apport du numérique pour ces séquences a été d’un grand secours. Il est le seul médium à même de capter ce que voient nos yeux la nuit, avec toutes les nuances. L’hypersensibilité de la RED ainsi que l’utilisation d’optiques à pleine ouverture nous ont permis de filmer ces scènes sans éclairage d’appoint, en préservant la spécificité de la lumière nocturne.

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Parlez-moi du casting.

Pour incarner Tony, je recherchais un acteur juvénile qui puisse susciter une empathie immédiate et dégager une présence magnétique à l’écran. Le personnage étant plutôt renfermé et taiseux, l’émotion devait naître davantage des regards que des mots. Pas simple de trouver le bon comédien qui réunissait toutes ces qualités. Heureusement, dès que j’ai rencontré François Civil dont je connaissais le travail, j’ai su que j’avais devant moi l’interprète idéal pour le rôle. François dégage un mélange de force et de fragilité que je recherchais pour Tony. Il a également un côté caméléon, pouvant passer tour à tour du garçon lambda et sans histoire à une figure héroïque plongée dans l’action. Le défi physique que représentait le rôle l’a tout de suite séduit. Il a donc abordé son personnage en l’investissant par un travail sur le corps. Tout au long du film, Tony doit fournir beaucoup d’efforts physiques, son corps étant mis à rude épreuve. Il fallait qu’il ait de l’endurance. François s’est donc entraîné en salle, il s’est musclé et a pris du poids pour avoir cette carrure et cette silhouette athlétique. Tout le film reposait sur ses épaules, et son implication a été totale. Outre l’engagement physique exigé par le rôle, François devait être très précis dans ses gestes. Il fallait qu’il soit crédible aussi bien en manutentionnaire au volant de son Fenwick, qu’en motard chevronné aux commandes de son bolide.

De plus, je voulais que son interprétation soit très intérieure, très rentrée. Il fallait qu’il soit dans une retenue avant de pouvoir exploser à un moment clé du film…

Pour interpréter le personnage de Miguel, je cherchais un comédien crédible en chef mafieux, quelqu’un qui paraisse à l’écran à la fois menaçant et ambigu. J’ai immédiatement pensé à Olivier Rabourdin avec qui je voulais travailler depuis longtemps. Récemment, je l’avais trouvé formidable d’ambigüité et d’opacité dans EASTERN BOYS. Olivier a amené au personnage de Miguel une certaine ambivalence. J’aime énormément la manière dont il joue la menace. Dans la scène où il aborde Tony devant le bar PMU, il prononce ses répliques avec un ton calme, presque doux.

Ce contraste entre la violence de ses propos et la douceur de sa voix le rend particulièrement dangereux et sournois. Sans compter son regard bleu acier qui vous transperce et vous sonde…

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Pour Manon, c’est la directrice de casting qui m’a guidé. Je craignais que le personnage de Leyla paraisse trop passif, subissant les événements sans réagir. Pour contrebalancer cette crainte, je voulais à tout prix m’éloigner de l’image de la victime prostrée et souffreteuse. Au contraire, il me fallait une comédienne athlétique qui ait du répondant. Manon Azem amène en plus quelque chose de lumineux par rapport à la noirceur d’ensemble. En outre, je trouvais que l’alchimie entre elle et François fonctionnait bien. Quant au personnage de Jordan, Samuel Jouy, qui l’interprète, s’est particulièrement investi dans son rôle. Il a amené une foule de petits détails pour le faire exister. Dès le départ, il avait une idée bien précise du look vestimentaire, du phrasé et de la démarche de Jordan. C’est lui également qui a eu l’idée de la cicatrice qu’il arbore tout au long du film. Samuel a vraiment créé son personnage de A à Z.

Comment avez-vous travaillé les couleurs ?

Je voulais prendre le contrepied de l’aspect monochrome et délavé trop souvent associé au polar. Au contraire, avec Antoine Roch le chef opérateur, nous voulions assumer une image contrastée et des couleurs saturées.

Le décorum des courses sur circuit (châssis des motos, combinaisons des pilotes…) amenait une palette de couleurs vives. Il fallait les utiliser et jouer avec.

Concernant les scènes de nuit, visuellement, nous voulions combiner différentes teintes. Notamment pour les séquences du salon de tatouage, nous avons mélangé une lumière incandescente plutôt chaude et une lumière fluorescente tirant vers les bleu et vert – c’est très particulier et d’un point de vue technique, ça ne se fait pas habituellement. Une autre spécificité de ce film sur un plan visuel a été l’utilisation de différentes caméras numériques (ALEXA, RED, appareils photo ALPHA 7 S) pour filmer les scènes de course et de go-fast techniquement complexes. Au montage, nous nous sommes retrouvés avec des plans dont la texture et le rendu des couleurs variaient sensiblement en fonction du type de caméra dont ils provenaient.

Un important et délicat travail d’étalonnage a été réalisé pour rendre homogènes toutes ces images.

Quelles étaient vos priorités en matière sonore ?

Le son est une arme secrète parce qu’il permet d’atteindre l’inconscient et que le public n’y fait pas du tout attention. Dans ce film, le son joue un rôle central dans l’expérience immersive et sensorielle que je voulais créer. Là encore, le but était de faire ressentir au spectateur ce qu’éprouve Tony.

Le mixage du film a été un travail délicat notamment pour les scènes de circuit et de go-fast car il y avait une variété de sons très vaste à travailler, entre le moteur des motos, la musique, les respirations dans le casque, etc. Le risque était de tomber dans une sorte de magma sonore agressif et informe. Il fallait donc faire des choix. A certains moments, nous avons privilégié la musique, à d’autres les effets sonores. Il a fallu du temps pour trouver le bon équilibre et aboutir à une bande son à la fois puissante et précise.

Quelle musique souhaitiez-vous pour le film ?

Avec Grégoire Auger, le compositeur, nous voulions une bande originale moderne, électro et teintée d’influences diverses, parmi lesquelles les guitares du morceau A Forest de Cure, certaines textures électroniques de Trent Reznor et les synthétiseurs du groupe Tangerine Dream.

Dès le départ, Grégoire souhaitait se lancer dans l’écriture d’un thème qui reviendrait plusieurs fois dans le film, même discrètement, et qui se déclinerait et évoluerait au fil du récit. On entend ce thème dès le début du film : le morceau accompagne le plan séquence d’ouverture où l’on voit Tony traverser le paddock avant sa course.

Concernant cette scène, avec Grégoire, nous évoquions sans cesse le score d’Howard Shore pour Crash et sa manière dont ce dernier avait utilisé la guitare. Cela nous a poussés à intégrer dans ce morceau, des guitares électriques avec des cordes pincées et distordues. Ces sonorités créent un paysage métallique qui renvoie à l’univers mécanique de la moto.

Le titre du film, BURN OUT…

Il fait référence à la moto – le burn, figure qui consiste à faire brûler la gomme du pneu – ainsi qu’à l’état psychique et physique du personnage au bord de la rupture.

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Entretien avec FRANCOIS CIVIL

Qu’est-ce qui vous a intéressé au départ dans ce projet ?

Dès que j’ai lu le scénario, j’y ai vu la possibilité d’explorer un univers cinématographique nouveau pour moi : le pur thriller. Avec en plus un univers que j’imaginais très cinégénique : le monde de la moto. Quant à Tony, il m’est immédiatement apparu comme un personnage loin de moi, avec beaucoup de nuances, qui plonge dans une sorte de descente aux enfers. C’était très excitant.

Aviez-vous vu les précédents films de Yann Gozlan ?

J’avais vu UN HOMME IDÉAL que j’avais adoré – la mise en scène était percutante et la gradation dans la tension était formidable. C’était donc évident que Yann était la meilleure personne pour réaliser BURN OUT. Et il se trouve que je suis pote avec Pierre Niney dans la vie et qu’il m’avait dit tout le bien qu’il pensait de la direction d’acteur de Yann.

Vous connaissiez l’univers de la moto ?

Pas du tout ! Du coup, j’étais complétement vierge à ce milieu. Mais les gens passionnés éveillent chez moi beaucoup d’intérêt et j’adore essayer de me plonger dans leur passion. Il suffit d’aller au Circuit Carole pour se rendre compte qu’on a affaire à des mecs tellement passionnés qu’ils sont prêts à risquer leur vie. Je n’avais jamais vu ça. C’est un monde forcément très mécanique qui se mêle à quelque chose d’organique et de physique.

Comment décrire votre personnage ? Un homme qui a un code d’honneur et qui se retrouve pris en étau ?

C’est d’abord un mec amoureux qui a envie de se racheter et de retrouver sa famille. Dans le scénario, ce que j’aime bien, c’est qu’on laisse planer pas mal de mystère sur son passé et sa vie. Mais on sent que, malgré sa passion, il a envie de se racheter.

C’est aussi le personnage dont les intentions sont les plus pures mais qui finit malgré tout piégé dans un engrenage qu’il ne contrôle pas ! Tony essaie de tout gérer et pense pouvoir jongler entre son boulot alimentaire, son entraînement, ses go-fast et Leila, mais la spirale infernale est plus forte que lui.

C’est un personnage qu’il a fallu trouver car il est très loin de moi sur un plan social et physique. Ce sont des détails bien sûr, mais il a fallu lui trouver une coupe de cheveux, des vêtements et surtout une masse physique. À très haut niveau, les pilotes de moto sont très sculptés et sont de vrais athlètes.

On sent qu’il a noué une vraie complicité avec Moussa.

Ce qu’on imagine, c’est que même s’ils n’ont pas grandi ensemble – Moussa a vécu dans une tour HLM et Tony dans un pavillon de banlieue –, ils ont fréquenté la même école quand ils étaient petits. L’école publique a ceci de bon qu’elle mélange des jeunes d’origines sociales différentes et qu’elle permet de devenir copain avec des gens loin de soi. Par la suite, leurs chemins se sont séparés : Moussa a été rattrapé par une vie violente et par la galère et Tony s’est laissé galvaniser par sa passion pour la moto. Mais ils ne se sont jamais vraiment perdus de vue.

Comment vous êtes-vous entraîné ?

J’ai commencé par suivre un régime alimentaire strict et faire du sport en salle. C’était important de gagner en masse musculaire car, tout à coup, on se sent devenir différent, ce qui aide à s’approprier le personnage. Il a surtout fallu que je passe le permis moto ! Comme Yann m’a proposé le rôle sans passer d’essais, le vrai casting sur ce film a été l’obtention du permis moto ! C’était un mois avant le tournage et j’ai vécu une vraie pression, d’autant que c’est l’un des permis les plus difficiles à décrocher avec un taux d’échec phénoménal. Le jour de l’examen, j’étais super stressé en me disant que si je ne l’obtenais pas, je ne pourrais pas faire le film… Pour autant, sur le tournage, j’ai été doublé par un vrai pilote – et cascadeur – pour toutes les scènes où mon personnage fonce à 250 km/h sur l’autoroute.

Du coup, j’ai vraiment la sensation d’avoir partagé le rôle avec lui.

Comment se sont passés vos rapports avec Manon Azem ?

Il se trouve qu’à nos tout débuts, à l’âge de 14 ou 15 ans, on a tourné ensemble dans une série pour Disney Channel. Ensuite, nos parcours se sont séparés.

Comme on se connaissait déjà, on a tout de suite été à l’aise l’un avec l’autre pour savoir comment aborder nos personnages. C’était émouvant de voir comment nos manières de travailler étaient simples et limpides. Tony va très loin par amour pour Leila et Manon est d’une telle beauté et d’une telle présence à l’écran que c’était assez simple à imaginer.

Et avec Olivier Rabourdin et Samuel Jouy ?

Je suis fan du travail d’Olivier depuis longtemps. Du coup, j’étais très excité à l’idée de l’avoir en face de moi : j’ai pris une sorte de master-class d’acteur ! Le voir aborder un personnage ambigu, violent et en même temps père de famille éprouvant une certaine affection pour Tony, était fascinant. Il a réussi à exprimer plusieurs facettes du personnage et c’était beau à voir.

Samuel est incroyable dans le film. C’est le véritable antagoniste de Tony, davantage que Miguel et c’est lui qui libère toute la rage de Tony. On a pris du plaisir à faire monter la tension entre eux. Car pour obtenir le moment où cette tension éclate, il fallait qu’on ressente cette graduation. Il a campé un impressionnant Jordan, tour à tour drôle, inquiétant, et imprévisible, et a livré une vraie composition dans sa manière de s’exprimer.

Parlez-moi de la direction d’acteur de Yann Gozlan.

Il est ultra concentré sur un plateau et recherche le réel, la crédibilité et l’immersion. Il voit tout et il a un mot pour chacun, que ce soit un figurant ou un acteur principal. On a surtout travaillé le rôle en amont : on a énormément parcouru le script en se posant toutes les questions sur la psychologie du personnage. C’était très utile parce que le film, avant tout sensoriel et immersif, évacue la dimension psychologique et que le tournage, essentiellement nocturne, était très speed.

Par ailleurs, comme on ne tournait pas dans la continuité et qu’il fallait veiller à la gradation dans la tension, on devait garder un vrai recul sur la globalité du récit pour se rappeler dans quel état j’étais censé me trouver à tel ou tel moment. En d’autres termes, Yann et moi étions comme des garde-fous l’un de l’autre. C’était exaltant.

FIN.

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9 Comments on « Burn Out » de Yann Gozlan – La Chronique surmenée ! Bonus : Interviews de François Civil et de Yann Gozlan.

  1. Du coup, il ne te reste plus qu’à lire le livre et découvrir cet extraordinaire auteur qu’est Jérémy Guez ! Amitiés

    Aimé par 1 personne

  2. Oui effectivement il ne nous reste plus qu’à commencer par le livre. Bonne journée

    Aimé par 1 personne

  3. Se mettre les burnes en dehors, ça doit faire mal ! Je compatis avec tous les mecs qui ont des burn out… 😆 la sortie, s’il vous plait ??

    Aimé par 1 personne

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