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« Au revoir là-haut » de Albert Dupontel – La chronique qui vous salue bien ! Bonus : Interview + module vidéo de Pierre Lemaitre !

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Au Revoir Là-Haut – Albert Dupontel

N.B. : ce film a été vu en avant-première grâce à Gaumont Distribution qui a fourni les photos (Copyright Jérôme Prébois – ADCB Films) présentes dans cette chronique ainsi que l’interview de Pierre Lemaitre et le module vidéo de l’écrivain. Un grand merci à Réjane !

Le Pitch (adapté du roman de Pierre Lemaitre) : Novembre 1919. Deux rescapés des tranchées, l’un dessinateur de génie, l’autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l’entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire…

Couleurs saturées, travellings impressionnants, caméras virevoltantes, images soignées, costumes clinquants, le début du siècle inspire le réalisateur jusque dans les moindres détails. Il est vrai que l’époque foisonnait de créativité et Dupontel lui rend justice. Subtile et racée, l’adaptation du roman Best-seller et Prix Goncourt de Pierre Lemaitre trouve un très joli écrin dans cette magnifique réalisation d’Albert Dupontel.
« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

Car le film est somptueux, l’histoire intrigante et ambitieuse. Le film commence violemment comme un film de guerre (celle de 14/18) avec des plans-séquences hallucinants à la « Soldat Ryan », emprunte ensuite à « Moulin Rouge » sa démesure et se poursuit à la manière de la plus grande escroquerie du Rock’n’Roll.  À la fois baroque et punk, violent et poétique, avant-gardiste et visionnaire.

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

Paradoxalement, ce que Dupontel ajoute en grâce et en poésie ne suffit pas à cacher un manque d’émotions ou d’empathie. Avec l’ironie sous-jacente et permanente qui est sa patte, il met de la distance entre les personnages et le public. D’autant que son choix d’en être l’acteur principal pose problème. Ça positionne forcément un ton et un univers et sa prestation ressemble peu ou prou à ce que fait Dupontel dans ses films habituellement. Si ce n’était pas choquant voire même positif dans « Neuf mois ferme », son précédent film, est une pierre d’achoppement dans « Au revoir là-haut ». Il confie lui-même que c’était un autre acteur qui devait prendre le rôle mais que ce dernier s’est désisté et qu’il a du, faute de temps, assumer le rôle. Et Dupontel n’est jamais aussi bon que quand il est dirigé par d’autres. Sinon le risque est qu’il se parodie.

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

 

En revanche, Laurent Lafitte à qui le rôle de salopard sied à merveille est le grand vainqueur de ce casting tant il en impose à chacune de ses apparitions. Arrivant à passer subtilement de l’enjôleur au vil salopard, il bouffe littéralement l’écran. Il arrive à composer un personnage cartoonesque, tout en restant très inquiétant, à la manière du loup de Tex Avery aux yeux soucoupes. La notable différence est que lui ce sont les espèces sonnantes et trébuchantes qui le font saliver.

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« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

« AU REVOIR LÀ-HAUT » Réalisé par Albert DUPONTEL

Le reste du casting est à l’avenant. Bigarré et très talentueux. Tant Niels Arestrup qu’Emilie Dequenne qui composent deux très beaux seconds rôles mélangeant finesse et puissance. L’argentin Nahuel Perez Biscayart qui interprète Edouard Péricourt, l’artiste défiguré par qui tout commence, est bluffant. Il arrive simplement avec ses yeux et sa posture à retranscrire ses émotions, un peu moins à les transmettre. Toute la complexité des masques fabuleux – trésors de créativité dont il est affublé pour cacher sa difformité – qui illuminent le film mais en réduisent l’impact émotionnel et empathique du comédien.


Malgré les petites réserves citées ci-dessus et honnêtement elles l’empêchent juste d’atteindre le statut de chef d’œuvre pas celui de bon et grand film, Dupontel réalisateur est à 1000 coudées au-dessus du sérail des réalisateurs français et mérite que vous fassiez de « Au Revoir là-haut » un triomphe ! Célébrez avec moi le talent et le risque ! Ne passez pas à côté de cette petite merveille !

4

4/5

N.B. : Comme toute adaptation d’une oeuvre littéraire au grand écran, « Au Revoir là-haut » propose des choses complètement différentes du roman. Notamment la fin. Celle-ci est assez différente du livre. Ne criez cependant pas au sacrilège, cette version a été adoubée par Pierre Lemaitre lui-même. Pour les petits veinards que vous êtes, Gaumont fournit d’ailleurs un petit module où le maître, himself, parle de l’adaptation de son roman par Dupontel ainsi qu’une interview passionnante et très complète. Ca vaut vraiment le coup d’oeil !

Vous avez choisi, pour ce roman, un sujet très éloigné de vos romans habituels, les romans policiers : pourquoi ?
Je ne suis pas certain que ce roman était « très éloigné » de mes romans précédents. Je n’ai écrit que des romans noirs, celui-ci en est un. Ce qui change, c’est peut-être le registre ; je m’éloigne du roman policier pour le roman picaresque. Pour dire vrai, je n’ai pas « voulu » ou prémédité de changer de registre. J’ai commencé à écrire une histoire policière qui se déroulerait dans l’immédiat après-guerre et je me suis rendu compte qu’elle n’avait pas le code génétique du polar. J’avais le choix entre changer d’histoire pour faire un polar ou la garder et faire autre chose. Je n’ai pas hésité bien
longtemps…
Pourquoi ces années-là ?
Tout a commencé avec des lectures. Une lecture d’abord : Les croix de bois de Roland Dorgelès. Je l’avais lu adolescent, j’avais été bouleversé : l’humanité, la tragédie, l’histoire, les émotions… tout était là et peut-être m’étais-je identifié à ces soldats. Si jeunes… À peine plus âgés que le lecteur que j’étais. J’ai tout de suite compris que cette guerre était entrée dans mon Panthéon personnel. Je n’ai jamais été obsédé par cette Guerre et je mentirais en disant que « j’ai porté en moi » ce sujet. Mais cette guerre m’a toujours passionné. J’ai toujours su que je m’y intéresserais sur le plan romanesque.
Pourquoi « l’après-guerre » plutôt que la guerre elle-même ?
Un roman isole presque toujours un moment de crise. Or, la première grande crise de l’histoire contemporaine, c’est la Grande Guerre. C’est de cette crise que nous provenons.
Je me suis rendu compte que, dans mes romans, j’aimais envisager les événements dans « l’après ». M’intéresser aux conséquences. Que se passe-t-il après ? C’est ce que j’ai fait
après Au revoir là-haut, avec Trois jours et une vie, et aussi avec Couleurs de l’incendie (à paraître début 2018). Cette habitude de considérer les événements dans le rétroviseur me vient sans doute du roman policier qui commence souvent par la fin (un crime est commis, il faut revenir en arrière pour comprendre qui l’a commis).
Quelle est la part d’imaginaire et la part de réel en fonction des connaissances que vous avez acquises pour écrire l’histoire ?
D’abord, je ne crois pas à l’imagination. Je crois à l’imaginaire (l’univers intérieur de chacun de nous, pour faire court) mais l’imagination donne l’impression que des choses arrivent soudainement, par magie, qu’elles tombent du ciel. Or, je pense que rien de ce que nous écrivons ne nous appartient. J’ai expliqué cela à plusieurs reprises, à la fin
de mes livres. Par exemple dans Trois jours et une vie : je me reconnais volontiers dans le commentaire de H. G. Wells dans sa préface à Dolorès : «On prend un trait chez celui-ci, un trait chez cet autre ; on l’emprunte à un ami de toujours, ou à quelqu’un à peine entrevu sur le quai d’une gare, en attendant un train. On emprunte même parfois une phrase, une idée à un fait-divers de journal. Voilà la manière d’écrire un roman ; il n’y
en a pas d’autre.» Mais je reviens à votre question. Concrètement, l’arnaque aux monuments aux morts est, je crois, fictive, le « marché des cercueils », lui, est un fait réel de l’histoire. Réel ou fictif, je prends ce qui arrange mon histoire. Je suis romancier.
Lorsque vous écriviez votre roman avez-vous pensé à une possible adaptation cinématographique ? Aviez-vous vous des « images » en tête ?
On pense souvent que j’ai une écriture cinématographique parce qu’elle est visuelle. C’est confondre deux registres très différents. Albert l’a bien vu en adaptant le roman :
ce n’est pas parce qu’un chapitre est « visuel » qu’il est cinématographique. Pour en faire du cinéma, il faut le transformer, cela s’appelle une adaptation tout simplement parce que la grammaire, la syntaxe du cinéma sont très différentes de celles du roman (l’image ne connaît pas le négatif, la circulation des points de vue dans une même phrase ne sont pas « tournables », etc.). Cela dit, je ne pensais pas à une adaptation parce que ce n’est
pas ainsi que je travaille. Quand je fais un roman, je fais… un roman.
Pour ce qui est des images, j’en avais. Je juge une adaptation réussie au fait que les images du film ont chassé les miennes. Et c’est exactement ce qui se passe avec le film d’Albert.
L’adaptation reste fidèle mais propose néanmoins beaucoup de changements, étiez-vous d’accord ?
D’abord, je n’avais pas à « être d’accord » ou « pas d’accord ». Quand on confie à un artiste le soin d’adapter une de vos histoires, on accepte le risque d’être compris ou incompris, c’est la règle du jeu. Par ailleurs, la question qui se pose est peut-être : à quoi
sert d’adapter un roman au cinéma ? Somme toute, la question n’est pas vaine. Si des gens s’intéressent à cette histoire, ils peuvent lire le roman… L’adaptation n’a d’intérêt que si le film propose une plusvalue par rapport au roman. Et pour cela il est inévitable
de changer des éléments, d’en enlever, d’en ajouter. Ce doit être la même histoire mais racontée autrement et par quelqu’un d’autre ! J’ai trouvé que les solutions narratives proposées par Albert sont toujours « bien vues ». Cette grande fête au Lutetia ne figure pas dans le livre mais elle est parfaitement à sa place dans cette histoire tel que le film la raconte. C’est pourquoi je trouve que ce film est un excellent exemple d’adaptation parfaitement réussie.
Quel a été votre sentiment à la première vision du film ?
D’abord l’émotion parce que c’était la première fois de ma vie que je voyais une de mes histoires sur un écran : les noms, le titre, l’histoire pour l’essentiel avaient été conservés, ce qui, bien sûr, accusait encore l’aspect très émotionnel de la situation. Ensuite, j’ai eu la confirmation de ce que j’avais ressenti à la lecture des différentes versions du scénario qu’Albert avait bien voulu me faire lire : c’était une adaptation, à mes yeux parfaitement réussie, presque un modèle en la matière. C’était la même histoire, sans trahison, mais racontée autrement, selon un point de vue différent et porteur d’un autre univers. Albert avait de plus trouvé des solutions narratives nouvelles (dont certaines me rendaient jaloux parce que je ne les avais pas trouvées lors de l‘écriture du roman…). Il avait, à mon sens, réussi quelque chose qui est la seule justification à l’adaptation d’un roman au cinéma : une véritable plus-value artistique. C’était doublement grisant ; je me sentais fier d’une réussite qui ne me devait rien.
Aviez-vous pensé à un tel casting ?
Pendant l’écriture certainement pas. Il m’arrive, pour faciliter la construction d’un personnage, de partir d’une tête connue mais ça ne me sert que d’amorce, ensuite je l’oublie. Lorsqu’il a été question de casting, j’ai secrètement prié les dieux qu’Albert (Dupontel) incarne Albert (Maillard). J’ai été exaucé.
Quelles ont été vos principales surprises à la vision du film ?
Je suis allé de surprise en surprise pendant tout le visionnage : les scènes ajoutées, les épisodes disparus, les lieux que je n’avais pas imaginés ainsi, les époques que je n’avais pas écrites… C’était un feu d’artifice de surprises, j’étais le plus heureux des romanciers.
Quels seraient les mots de l’auteur pour définir le film ?
Vous me contraignez aux grands mots, aux gros mots… Ce sera de votre faute… Je dirais « émotion » et « humanité ». Je tiens beaucoup au premier. Chaque discipline a ses outils. L’histoire a les faits, la sociologie a les études et les statistiques, la philosophie a les concepts… La littérature, elle, a… les émotions. C’est grâce elles que le lecteur comprend une histoire. Retrouver des émotions fortes au visionnage du film, c’est trouver (ou retrouver) ce que j’avais moi-même essayé de faire en écrivant le roman.
Pendant les 3 ans qu’a duré la fabrication de ce film, auriez-vous une anecdote marquante ?
J’en ai beaucoup, quoique je ne sois pas allé beaucoup sur le tournage, je pense que ma présence n’aurait pas été une aide pour Albert, le plateau devait être son domaine propre, sans interférences. Mais la première chose qui m’a amusé, c’est la façon dont les
techniciens appelaient… Albert. Quand ils disaient « Albert » de qui parlaient-ils, du metteur en scène, de l’acteur ou du personnage ? J’ai compris qu’on disait « Albert » quand il s’agissait de Dupontel et « Maillard » quand il s’agissait du personnage, c’était assez marrant. L’autre anecdote est bien sûr infiniment plus cruelle : Albert m’a fait le cadeau de me faire figurer dans une scène… qu’il a coupée au montage. Peut-être étais-je tellement bon qu’il m’a retiré par pure jalousie… On se console comme on peut. FIN

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21 Comments on « Au revoir là-haut » de Albert Dupontel – La chronique qui vous salue bien ! Bonus : Interview + module vidéo de Pierre Lemaitre !

  1. Une très belle chronique merci 🙂

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  2. j’aime me promener sur votre blog. un bel univers. Très intéressant. vous pouvez visiter mon blog naissant ( lien sur pseudo) à bientôt.

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  3. Chouette chronique. Le roman est juste magnifique… J’irai voir le film du talentueux Dupontel, c’est certain!

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  4. J’ai adoré le roman, je vais me faire le film !!! 😀

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  5. Un de mes gros coups de cœur de l’année passée ! Rares sont les films à avoir su créer de l’attente et à les combler, voire les surpasser ! Français pour ne rien gâcher, ça a été une belle claque. 🙂

    Aimé par 1 personne

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