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James Ellroy – Festival America 08/09/16 : Compte-rendu de la conférence haute en couleurs !

James Ellroy fait son entrée à la cool, en showman aguerri, sur la scène du centre culturel Georges Pompidou. Il multiplie les clins d’œil et les pouces levés, tapote sur les micros et nous hypnotise de sa voix rocailleuse. Une vraie rock star !

Comme vous le constaterez à la lecture de l’interview, James Ellroy ne répond pas toujours exactement aux questions de l’interviewer. Il digresse beaucoup. Pour notre plus grand plaisir.

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Festival America 2016 – James Ellroy – Copyright KoMa

Q : Los Angeles est une ville à part pour vous James Ellroy, que représente-t-elle ?
James Ellroy : Je suis né à Los Angeles, je n’ai pas la vision d’un écrivain ou d’un critique sur la ville, moi, je l’ai dans le sang.

Q : Que voulez vous dire par là ?
JE : Je suis imprégné par L.A., j’y ai grandi, j’y ai été petit délinquant, j’ai écrit dessus. J’en suis parti j’y suis revenu…

Q : C’est une relation amoureuse avec LA ?
JE :  Oui. D’ailleurs, mes histoires sont des histoires d’amour. Mes héros sont des hommes faibles qui rencontrent des femmes fortes.

Q : Votre Amérique est celle d’hier. De 1941 à 1972. Qu’est ce qui vous attire dans cette période ?
JE : Je retourne dans le passé pour comprendre la période de ma naissance. Je tente de recomposer à ma sauce les mythes qui ont hanté l’Amérique. Et en fait, en avançant dans l’histoire, j’avance dans mon adolescence. Ma saga « Underworld » couvre cette période.

Q : Vous avez dit « mon âme appartient aux années 50/60 », c’est à dire ? Pensez vous qu’on y vivait mieux ?
JE : Je ne vais pas aussi loin dans l’analyse de la nostalgie, je fais confiance à mon imagination. Quand j’écris une histoire, si quelque chose d’historique se colle dessus c’est parfait et je coopte les personnages historiques.
Pour le second quartet de Los Angeles, c’est une sorte de préquel où l’on retrouve certains de mes personnages plus jeunes. Je les consolide et leur donne plus de chair. J’ai ajouté un nouveau personnage un peu idiot au début qui va abandonner ses idéaux pour une femme.

Q : Votre écriture change, s’adapte à vos propos et s’adapte aux personnages. Vous avez expérimenté des styles et des rythmes très différents…
JE : J’ai resserré les liens autour de mon style télégraphique qui était ma patte (rires). J’ai travaillé différemment et intensément mon écriture. J’écris toujours à la troisième personne, de façon subjective à part avec le personnage de Kayleigh (dans Perfidia). Tous ces hommes voient le monde de façon différente.

Q : C’est une histoire populaire de l’Amérique que vous racontez, celle des rues ?
JE : Oui et non. Le L.A. dont je me souviens, à l’âge de 5/6 ans, est une ville où la vie était facile et rigolote. Mon père m’avait raconté qu’il avait niqué Rita Hayworth.

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Rita Hayworth

Je vais vous parler de mon père. On me parle toujours de ma mère mais moi j’ai envie de vous parler de mon père. C’était un rigolo avec un engin de 27 cm (rires). On avait une relation simple avec mon père. Il venait de Boston, avait un accent à la JFK. Mon père prétendait être l’homme d’affaires de Rita Hayworth et avoir organisé son mariage avec Ali Khan en 1949. J’ai toujours cru qu’il blaguait. Dix ans après la mort de mon père, j’ai découvert que c’était vrai (rires). Il connaissait des stars de films qui baisaient avec des personnes normales. Et c’était quelque chose de tout à fait habituel à l’époque. C’était plus simple. Ce qui caractérisait le L.A. de l’époque, c’était le melting pot. Tout était plus facile, plus égalitaire. Un endroit créé pour les fantasmes et le cinéma.

Q : Vos romans, c’est la langue dans tous ses états, la langue de la rue : L’argot black, l’argot des flics, l’argot des juifs…
JE : Pour moi, c’est pas des gens de la rue. C’est le vrai langage. Pas comme dans ces séries TV à la « The Wire » où tout sonne faux. Les acteurs, les situations, les dialogues… C’est le langage de la branlette pure. C’est un type d’écriture que je hais. Je suis un bâtisseur de roman. Chaque ligne de l’intrigue doit approfondir le récit, la caractérisation. Je suis un moraliste et je hais ce qui est moche.

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Festival America 2016 – James Ellroy – Copyright KoMa

Q : Vous mettez en scène une multitude de personnages, qu’on retrouve dans plusieurs de vos romans…
JE : Je crois que le personnage c’est le destin. De nos jours, le crime se répand de façon exponentielle et moi je crois à la responsabilité individuelle. J’ai rencontré un rabbin dans un avion qui m’a dit que si Dieu revenait sur terre il dirait à chacun « vous êtes responsable de vos actes » mais notre destin est collectif et c’est l’Amérique ce destin collectif.

Q : Vous voulez raconter les coulisses de l’histoire américaine ?
JE : L’histoire se passe dans les marges. Je l’ai senti très tôt après le meurtre de ma mère. Deux versions de ce meurtre ont co-existé dont une qui n’est pas vraie. J’ai senti que moi seul pouvais donner la vérité. La seule façon de l’amener, c’est de la décrire. Cette dimension morale est au cœur de mon intention.

Q : Votre Amérique est une Amérique fantasmée ?
JE : J’engage des analystes pour mes recherches pour ne pas raconter n’importe quoi. Si j’ai réussi à vous faire voir une autre réalité, à vous obséder à vous faire poser des questions alors j’ai réussi.

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Festival America 2016 – James Ellroy – Copyright KoMa

Q : Vous m’avez dit écrire des romans historiques, mais ce sont aussi des romans noirs non ?
JE : Moi, ce que j’aime lire ce sont des romans policiers, des polars. Je voulais revenir aux romans policiers sous la forme de polars historiques. Je suis fan des flics et des services scientifiques.

Q : Dans votre Amérique le crime est central. Est-ce le moteur de l’Histoire ?
JE : Si vous croyez que la guerre est un crime à grande échelle, alors oui.

Q : On dit qu’Ellroy à une vision noire et pessimiste de l’Amérique. Mais je crois qu’il y a une part belle à la rédemption dans vos livres…
JE :  Oui. C’est relié à ma foi. Je suis chrétien. Vous pouvez vous rouler dans la fange, commettre des atrocités mais vous pouvez quand même trouver la rédemption.

Q : Parlez-nous de votre nouveau livre, le second tome du quartet. Va-t-on bientôt pouvoir le lire ?
JE : J’ai donné jeudi dernier les 500 premières pages à mon éditeur. Le roman fera 635 pages. Faites le compte (rires) !

Merci James ! Fin de l’entretien.

Et c’est ensuite que j’ai eu la chance (car ce n’était absolument pas prévu) d’échanger quelques mots avec le maître. Un merveilleux moment et un auteur beaucoup plus accessible qu’on pourrait l’imaginer.

 

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Plus que des quatrièmes de couverture, plus que des résumés de films, c'est de la passion et de l'émotion que vous découvrirez ici.

22 Comments on James Ellroy – Festival America 08/09/16 : Compte-rendu de la conférence haute en couleurs !

  1. Woh il a l’air franc du collier, j’adore 😀 Merci pour ce retour.

    Aimé par 2 personnes

  2. Rhoooo merci mon David pour cette belle retranscription. Il va vraiment falloir qu’il le déplace en octobre leur festival… Lol
    Tu nous raconteras encore dis ? 😉 🙂 😀

    Aimé par 1 personne

  3. One of the king of Roman Noir with one of the king of blog ;-).
    Toujours au top avec tes retranscriptions de conférences !

    Aimé par 3 personnes

  4. Attention, le dog va manger du corbeau !!

    Aimé par 1 personne

  5. Tout à fait intéressant. Et un James Ellroy beaucoup plus enclin à se livrer, c’est à souligner… Il est habituellement plus réservé en interview que dans ses romans, ou là, il se lâche vraiment.

    Aimé par 1 personne

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